Pourquoi la plus grosse corvée ménagère imaginable est d’éplucher les oignons ? Et surtout pourquoi sommes-nous pris d’une inconsolable tristesse quand nous commençons à les découper ?
Comme nous l’ont enseigné nos professeurs de science de la vie, l’oeil humain est une mécanique formidable, un petit bijou dans son genre. Et comme toute chose merveilleuse et précieuse, il doit être protégé. Ainsi pour fonctionner correctement et être à l’abri de toute forme d’agression comme les poussières ou les produits urticants, de petits canaux ont pour rôle de l’humidifier à l’aide de larmes. Ces larmes, secrétées par les glandes lacrymales sont régulièrement étalées sur la cornée en une fine pellicule protectrice par l’action mécanique des paupières (le clignement de l’oeil).
Cependant, la sécrétion continue des larmes peut être ponctuellement augmentée en réponse à une agression plus importante. Les larmes ont alors le double rôle de calmer une irritation, et de permettre d’évacuer le responsable de notre malheur, en l’occurrence un grain de pollen, une poussière plus grosse que d’habitude ou un liquide urticant.
Le surplus de liquide est alors évacué par de petits canaux vers le nez. C’est l’existence de ce canal -le canal lacrymo-nasal situé à l’intérieur de notre paupière inférieure- qui provoque cette furieuse envie de se moucher lorsque nous pleurons, et accessoirement qui nous permet de ne pas pleurer en permanence. Car si nous pleurons, c’est que le surplus de larmes est trop important pour être évacué par ce petit canal, et l’oeil « déborde ».
Mais revenons à nos oignons. Lorsque la lame rencontre l’oignon pour le découper, elle le fait sans aucune délicatesse, et déchire les cellules de notre pauvre légume. Certaines enzymes de ces cellules, en réaction avec l’air vont libérer un composé soufré très volatil : le sulfate d’allyle. Proche du composant principal des grenades lacrymogènes, ce sulfate d’allyle est agressif pour la cornée, nos yeux commencent alors à nous piquer. Mais le pire reste à venir, car au contact des larmes, ou plus exactement de l’eau composant les larmes, le sulfate d’allyle se transforme en un liquide tout aussi urticant. Ainsi plus nos yeux nous piquent, plus nous pleurons. Et plus nous pleurons, plus nos yeux nous piquent et nous pleurons encore plus et ainsi de suite jusqu’à ce que nous nous décidions à quitter la cuisine, ou le cortège de la manifestation.
En guise de conclusion voici différents secrets de grand-mère pour limiter la « casse oculaire » quand l’heure tragique de l’épluchage arrive. Beaucoup conseillent de manipuler les oignons sous un filet d’eau pour limiter le dégagement de ce sulfate d’allyle, ou pour ceux qui n’ont pas peur de se couper de le faire en aveugle dans un sac en plastique. Un autre conseil plus pratique mais moins efficace est de laisser les oignons au réfrigérateur car une fois refroidies, les cellules libéreront beaucoup moins de ce composé urticant.
Enfin pour ceux qui n’épluchent leurs oignons que dans l’abri d’un laboratoire de chimie, utilisez donc la hotte aspirante.